Quand le blues s’installe derrière le micro…

Bonjour,

Après l’avoir partagée hier avec tous les adhérents de F6KOP, je souhaite aujourd’hui la publier sur le site du club.

Ces lignes sont le fruit d’une réflexion personnelle, mise en mots avec le cœur.

Je ne vous cache pas que je suis à deux doigts de tourner la page sur ce que j’aime le plus au monde , cette merveilleuse radio…

Cet article se veut une alerte face à la perte de certaines valeurs qui me tiennent à cœur. Il ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais il reflète un sentiment profond que je sais partagé par plusieurs amis.

Je n’attends aucune réponse, simplement que chacun prenne le temps d’y réfléchir.

Bonjour les KOPains et les KOPines

Avez-vous lu le bel article de notre KOPain Dimitri F4FLH ? Chronique d’un OM en réflexion.

Oui, c’est authentique ! Nous avons, mais surtout, je pense que j’ai certainement raté quelque chose. Donc je comprends parfaitement les interrogations de Dimitri, et je me rappelle ces quelques mots de notre KOPain Jacques F8WV : Tu es radioamateur, mais pour quelle radio ?

Aux interrogations de Dimitri, j’aimerais rajouter quelques mots, quand le blues s’installe derrière le micro

Il fut un temps où allumer la station était une fête pour moi. Un moment suspendu, un sas de décompression entre les réalités du quotidien et le plaisir simple de la radio. Le bonheur de chaque QSO réalisé. Pendant longtemps, le radioamateurisme a été pour moi une véritable bouffée d’oxygène. Un fusible. Un enchantement.

Mais aujourd’hui, je dois l’avouer, le goût n’est plus le même. Cela fait longtemps que je tire le signal d’alarme, que je parle de mon ressentiment à mes amis autour de moi, avec toujours les mêmes réponses…

Le trafic change. Des activations inintéressantes et insignifiantes à la chaîne, des références et des chiffres incompréhensibles, des indicatifs spéciaux dans tous les sens, des QSO infructueux… tout cela me laisse de plus en plus froid. J’ai l’impression que l’on perd peu à peu l’esprit qui m’avait fait tomber amoureux de cette passion merveilleuse. On ne prend plus le temps d’écouter ou de transmettre intelligemment. On enchaîne les activations, on collectionne des références. Et moi, je dois devenir réellement un vieux con, ou je ne comprends plus rien… Mais je ne me reconnais plus dans cette course-là, ce qui est grotesque et pour moi surréaliste, c’est que de nombreux radioamateurs soutiennent cet angélisme destructeur.

Et puis, il y a les déceptions. Des comportements, des attitudes, des paroles que je n’attendais pas, venant de gens que j’apprécies et qui m’ont profondément désappointé. À croire que certains ont oublié que la radio, ce n’est pas du business, ni une passion pour des adeptes du dogmatisme en mal de reconnaissance. Ce n’est pas une vitrine, ni une compétition d’égo ou de profits déguisés. C’est une passion avec des usages et des coutumes, une histoire humaine, un terrain de jeu pour l’intelligence et la connaissance, la curiosité, la fraternité, des souvenirs impérissables, des amis fidèles… et bien d’autres choses encore. Et cela depuis plus de 100 ans.

Alors, que souhaitez-vous ? Changer les règles du jeu que nos prédécesseurs ont rédigées avec respect et bienveillance ? Est-ce cela, nos 100 prochaines années ? Qu’allons-nous laisser au futur ?
Ne pourrions-nous pas apporter notre pierre à l’édifice pour notre passion d’une autre manière ?

Vous souvenez-vous ? À une époque pas si lointaine, il fallait construire son émetteur-récepteur, la CW était obligatoire pour faire de la HF, le programme de l’examen était plus dense ! Alors oui, nous avons travaillé pour assouplir, pour vulgariser dans le bon sens du terme notre passion, propager les atouts du radioamateurisme, rendre l’examen plus accessible… Bref, pour populariser cette magnifique passion que certains trouvaient inabordable.

Mais attention, le fait d’avoir adouci tout cela n’est pas une raison pour entacher le trafic, les QSO, et surtout notre futur.

Oh bien sûr, et heureusement, il y a du positif ! Je vis des moments inoubliables et extraordinaires avec vous tous, les KOPains de F6KOP. Oui, il y a du concret. Il reste les KOPains ! Nos week-ends à Provins, dans notre maison commune, sont encore des parenthèses incroyables et chaleureuses. Là, je retrouve ce qui fait la richesse de notre passion, l’affection, l’humain, l’amitié, le respect, la complicité, le goût… C’est sans doute ce lien-là qui me retient encore au micro.

Puis il y a nos rencontres, les visus, surtout à Fried, où je me sens revivre également !

Mais même ce lien ne suffit plus toujours à rallumer l’étincelle. Faire un QSO ne me dit plus rien, sauf avec quelques opérateurs que je connais, que j’apprécie, avec qui le contact dépasse tous les chiffres, toutes les références et les activités ou activations énigmatiques…

Heureusement, pour ma joie et mon plaisir, il y a encore les contests majeurs de l’année, les magnifiques expéditions avec des opérateurs au top. Des moments où l’adrénaline revient, où la radio retrouve pour moi un sens plus profond, celui du défi, du partage, du rêve, et d’une fusion naturelle avec son équipe.

Je me surprends à me poser une question que je n’aurais jamais imaginée il y a quelques années…
Et si j’arrêtais totalement la radio ?
Et si je rangeais les micros, pour aller à la pêche ou prendre le temps de bricoler à la maison ? Juste pour respirer autrement ?

Mais au fond de moi, une petite voix me dit que je ne suis pas encore prêt à baisser les bras. Car j’aime réellement la radio, et depuis très longtemps. Alors je mise tout sur la prochaine expé à Saint Pierre et Miquelon, avec cette belle équipe de KOPains, pour retrouver le sourire, pour revivre ces moments d’intensité et de complicité que seule une expédition bien menée peut offrir.
Et bientôt l’IARU VHF en septembre, puis le CQWW, le WPX, l’ARRL… de belles échéances à venir, de belles batailles, des pile-up d’exception, de quoi m’aérer l’esprit et retrouver un peu de sens dans tout cela.

Le blues est là, oui ! Mais il ne m’a pas encore totalement submergé. Alors je continue, malgré mon incapacité à tout comprendre, mes inaptitudes à entrer dans un monde qui n’est pas, ou plus le mien, et toutes mes incompréhensions…

Est-il possible aujourd’hui de réaliser un QSO sans activations, sans références, juste un qso simple et intelligent.

Oui, je continue !
Mais surtout pour vous, les KOPains. Pour vous, et ce club que j’aime tant. Pour tous nos projets, pour les moments d’exception que nous vivons ensemble, et pour notre passion même si aujourd’hui je la trouve vacillante et souffrante.

Peut-être qu’un jour, le plaisir simple du QSO reviendra, comme un vieux KOPain qu’on croyait perdu.

En attendant, essayons de penser autrement notre trafic pour l’avenir de notre passion… Evitons ce charme désopilant d’une grenade dégoupillée.

Car le drame en ce monde, c’est que les imbéciles sont sûrs d’eux, alors que les gens censés sont pleins de doutes.

Merci.

Frank – F4AJQ